J'ai rendez-vous avec le Dr. Corriveau au café Javaroma à 10 h. J'arrive
sur les lieux, la salle est remplie et j'ai oublié de lui demander de se
décrire physiquement. Dès mon arrivée, il vient vers moi et on s'assied
autour d'une petite table. Quel soulagement, je me voyais mal lancer un
appel à tous dans le petit café bondé de fonctionnaires.
On se met à discuter tout simplement. Les rôles sont inversés. Lui, qui
pose habituellement les questions, doit satisfaire la curiosité d'une
journaliste !
« J'habite dans le Nord à temps plein depuis 1986 », s'exclame M.Corriveau
en mentionnant qu'il a quitté son paradis glacé durant seulement quelques
mois en 1990 pour aller en Nouvelle-Écosse. Il fut bien vite de retour au
bercail !
Étudiant en médecine, il a foulé la terre de la Baie d'Hudson où il a
effectué des remplacements. Ensuite, il a obtenu un contrat à Povungnituk,
au Nunavik (nord du Québec). Avec sa femme, ils sont partis à l'aventure !
« La première soirée, nous marchions sur le bord de la mer. Nous n'avons
pas eu de choc, c'était comme chez nous », raconte André. « Je n'ai jamais
eu le cafard », poursuit-il. Son épouse a accouché d'une petite fille à
Povungnituk, cette ville de 1000 habitants. « Elle suivait des cours
prénataux avec les femmes inuites et faisait beaucoup de bénévolat. »
L'aînée de la famille, Catherine, a effectué sa maternelle en inuktituk. «
Il y avait une petite classe pour les francophones », se rappelle André.
Les tropiques et la chaleur n'ont cependant pas attiré ce coureur des bois
du nord du 60e parallèle. Durant, les vacances la petite famille retourne
au Québec et au Nouveau-Brunswick pour rendre visite à la famille.
Cependant, « me semble que j'arrive chez nous quand je reviens dans le
Nord. Je n'avais pas réalisé à quel point j'ai des racines », affirme
André.
« Le Nord, t'aimes ou t'aimes pas. Il me semble que j'étais fait pour cela.
La toundra a quelque chose de mystique », révèle André. « Ici, tu as
l'impression que les choses que tu fais font une différence. Le travail est
diversifié. On touche à tous les domaines. » Ce dernier aimerait dédier une
partie de son temps pour s'occuper notamment de deux dossiers : le
tabagisme et le taux d'accidents mortels reliés à la consommation d'alcool.
« Je veux améliorer la qualité de vie de la population. C'est un défi
professionnel. Il faut se fixer des objectifs jour après jour », soutient
André. « C'est dans le présent que l'on vit notre vie », poursuit-il un
brin philosophe. « Le défi de l'être humain, c'est de trouver le
merveilleux dans chaque moment. La vie elle-même est une merveille. Il faut
constamment renouveler l'émerveillement en dedans de nous-même et pour la
vie elle-même », souligne André, le regard pétillant avec ses petits yeux
bleus perçants.
Pourquoi ce déménagement à Yellowknife ? Papa et maman Corriveau voulaient
que leurs enfants puissent prendre part à plusieurs activités et reçoivent
une éducation adéquate. André a reçu une offre d'emploi dans la capitale
des T.N.-O. Il n'a pas été facile de quitter le Nunavik pour les
Territoires, « mais j'étais prêt à faire un sacrifice, juste le fait que ça
nous gardait dans le NordŠ », explique André. Un des facteurs qui a
favorisé la décision d'accepter l'offre de déménagement à Yellowknife se
nomme Allain St-Cyr (non pas l'homme mais son ¦uvre : l'école francophone).
« Mon épouse est anglophone et elle est originaire de Montréal. On a
toujours parlé les deux langues à la maison. Moi, je leur [enfants] parle
en français », soutient l'amant du Nord. « Il y a une qualité de vie à
Yellow-knife que l'on ne retrouve pas dans le Sud. »
« J'ai encore la chance de parler en français, c'est important ! C'est bien
de te parler en français », me lance-t-il avec un petit sourire en coin.
Ce que l'avenir lui réserve ?
« Ma boule de cristal est en panne », réplique M. Corriveau en riant. « Je
serais surpris d'être encore ici dans 10 ans, mais ce n'est pas impossible.
Je trouverais cela difficile de ne pas avoir de contact avec le Nord »,
ajoute-t-il toutefois.