De son large sourire, elle accueille le visiteur. Sur le bureau
s'amoncellent feuilles, documents et dossiers de toutes sortes. Les murs
sont couverts de photos, dont celle de ses deux petits neveux ensevelis
dans du « bubble bath » ! La pièce est spacieuse, bien remplie et la
lumière du jour pénètre par l'immense fenêtre. On a envie de s'y installer
confortablement. Puis il y a Mme Lee, de rouge vêtue. « C'est un privilège
d'être ici ! La tâche n'est pas facile, mais je veux apporter des
changements et faire une différence », s'exclame la députée de Range Lake,
élue en décembre dernier.
Arrivée à Yellowknife en 1978, Mme Lee est originaire de Séoul, en Corée du
Sud.
Elles débarquent, sa mère, sa soeur cadette et elle, trois femmes de
caractère, chez l'oncle qui est déjà installé à Yellow-knife ! Sandy Lee a
14 ans à l'époque et ne parle pas anglais. Dès son arrivée à l'école, on la
classe en première année en anglais. Ainsi débute pour l'adolescente
l'apprentissage de cette langue. À tous les trois mois, elle complète une
année de scolarité en anglais. L'année suivante, on l'inscrit en 10e année,
même si elle éprouve des difficultés à s'exprimer dans ce nouveau langage,
car on ne veut pas lui faire prendre du retard dans ses études. Pour la
petite femme en devenir, on pourrait croire que la situation a été pénibleŠ
« Mon arrivée à Yellowknife a été la chose la plus merveilleuse qui soit
survenue dans nos vies. C'est une seconde chance », a-t-elle insisté.
Élevées par leur mère, les deux soeurs apprennent à se débrouiller très
jeunes. À dix ans, la jeune Sandy garde sa petite soeur et apporte une aide
précieuse à maman qui travaille et élève seule la petite famille.
À 36 ans, cette jeune et dynamique politicienne est la première femme
coréenne élue au Canada. Elle est aussi l'unique avocate siégeant à
l'Assemblée Législative. « Je souhaite que les femmes soient davantage
présentes sur la scène politique » affirme-t-elle. Si Sandy Lee a toujours
su qu'elle voulait travailler avec le public, la politique est venue à
elle. Cette députée avait toujours suivi d'un oeil intéressé les débats à
l'Assemblée, où elle était employée en 1989 comme recherchiste, puis comme
assistante auprès de membres du Cabinet. Puis, elle a été approchée par un
membre de l'Assemblée, qui lui a suggéré de se présenter. Après un premier
refus, l'idée a fait son chemin.
Avant de se présenter, Sandy Lee s'est posé deux questions. « Je me suis
demandée pourquoi j'avais ce désir de faire partie de la campagne
électorale ? Sa réponseŠ « Je voulais participer à une dynamique de groupe
rassemblant des personnes provenant de milieux différents afin de trouver
des solutions pour l'ensemble de la population. Je me suis dit : « Eh bien,
si tu ne peux cesser d'y penser, alors fais-le ! Lance-toi dans la
course. » Ensuite, je me suis posé cette deuxième question. Est-ce que ma
présence va avoir un impact et va provoquer des changements ?
Oui ! Avec une personnalité comme la sienne, sa passion est contagieuse. «
Je dois être très forte. Je ne peux échouer », soutient-elle cependant.
Elle est consciente de son statut de minorité, dans tous les sens du terme.
Elle avoue qu'elle aimerait parfois se fondre dans le paysage très masculin
de l'Assemblée. Elles ne sont que deux femmes sur un total de 19 membres
incluant ministres et députés. « Par contr, je me sens fort respectée par
mes collègues. Nous formons un ensemble diversifié, mais c'est un bon
groupe », souligne Sandy Lee.
La politique : oui, mais à raison d'en sortir ! Les longues heures de
travail lui importent peu. « Je sais pour qui je travaille »,
rappelle-t-elle d'une voix ferme. Cependant, même les politiciens ont droit
à leurs petits moments d'abandon. « Il faut s'évader de temps à autre,
histoire de prendre soin de sa personne et de son esprit. Il faut être
honnête avec soi-même », précise Sandy Lee.
Cet été, vous apercevrez peut-être la députée de Range Lake chaussée de ses
patins à roues alignées. Elle adore écrire, s'intéresse aux arts et à la
musique et elle férue de patinage artistique, dont elle regarde les
compétitions.
Quel conseil lance-t-elle à celles qui souhaitent suivre son chemin ?
« Rêvez grand ! L'option est là. Saisissez-la, tout simplement ! Après
tout, nous représentons 50 % de la population, alors il faut saisir les
occasions qui se présentent. Chacune d'entre vous détenez un potentiel qui
ne demande qu'à se développer ! Nous sommes en l'an 2000, alors les femmes
doivent prendre la place qui leur revient », conclut Sandy Lee.
À suivre