
Les résidents des Territoires du Nord-Ouest sont nombreux à réclamer des actions concrètes pour répondre aux changements climatiques. En septembre 2019, une marche pour le climat avait mobilisé une foule record à Yellowknife. (Crédit photo : Batiste Foisy)
Des actions pour contrer les changements climatiques, mises en branle par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, portent fruit. Mais bien trop lentement pour atteindre les cibles de 2030, selon certains.
Le Plan d’action 2019-2023 sur les changements climatiques compte 104 mesures et seulement cinq n’ont pas encore démarré, selon un rapport publié lundi par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO). « L’opération a bien commencé », s’est réjoui Julian Kanigan, directeur de la gérance environnementale et du changement climatique, lors d’une téléconférence à ce sujet.
Ce rapport, avec trois autres, s’inscrit dans le Cadre stratégique sur le changement climatique des TNO pour 2030 (CSCC). Il y est question de la Stratégie énergétique 2030, de la taxe sur le carbone et d’autres actions pour adapter le territoire aux changements climatiques.
« La stratégie énergétique ne consiste pas uniquement à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), il s’agit aussi de garantir un approvisionnement énergétique plus sûr et plus abordable », a dit Robert Sexton, directeur de l’énergie au GTNO, lors de la téléconférence.
Rappelons que l’objectif des TNO est de réduire de 30 % ses émissions de GES par rapport à celles de 2005 d’ici 2030. Le chiffre magique : baisser à 1094 kilotonnes d’équivalent CO2 pour 2030. Or, les émissions en 2018 étaient de 1260 kilotonnes d’équivalent CO2. Et, selon le rapport, les projets de 2019 n’ont permis qu’une « diminution nette de 6 kilotonnes ».
Il faudra donc que les TNO réduisent leurs émissions d’ici 2030 de quelque 160 kilotonnes d’équivalent CO2.
« C’est impossible avec les stratégies actuelles ! Et 6 kilotonnes de réduction en 2019, ce n’est rien ! », lance sans retenue le député de Frame Lake, Kevin O’Reilly. « Le gouvernement mise sur l’expansion de la station hydroélectrique Taltson pour réduire significativement ses émissions, mais ce couteux projet n’aboutira probablement même pas », dit-il au bout du fil.
Le GTNO, optimiste, compte néanmoins y arriver.
Le gouvernement et ses partenaires ont déjà investi 25,84 millions dans la Stratégie énergétique 2030, dont 12,44 millions pour rénover des installations hydroélectriques et des génératrices diésel, ainsi que pour planifier et développer de nouveaux projets énergétiques.
Ceux-ci sont nombreux : agrandir, justement, la station hydroélectrique Taltson pour fournir une énergie propre aux industries des TNO et connecter le territoire au réseau électrique nord-américain ; construire, dès 2022, une ligne de transmission de 170 km pour utiliser le surplus d’hydroélectricité de Taltson à la place du diésel à Fort Providence, Kakisa et Dory Point ; installer une éolienne de 3,5 mégawatts à Inuvik ; évaluer comment les énergies renouvelables peuvent réduire la production d’électricité à base de diésel dans les collectivités, etc.
Pour Kevin O’Reilly, il faut à tout prix oublier Taltson et plutôt miser sur les énergies renouvelables, la biomasse, le diésel renouvelable ou le crédit carbone, des solutions en outre suggérées par l’organisation Alternatives North, et collaborer avec les mines de diamants et les autres partenaires. « Il est encore possible d’atteindre les objectifs de 2030, croit le député. Notre gouvernement doit foncer, il n’a aucune excuse ! »
Par ailleurs, la taxe sur le carbone des TNO, entrée en vigueur le 1er septembre 2019, a permis de récolter 12,6 millions de dollars. De 20 $ par tonne d’émissions de GES en 2019, elle grimpe chaque année et atteindra 50 $ par tonne en 2022. « A-t-on utilisé ces fonds pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Il n’est spécifié nulle part ce qu’on a fait avec ça et c’est regrettable », juge M. O’Reilly.
Sur une plus petite échelle, il y a aussi des projets dans les chaumières. Depuis 2019, 146 poêles à bois ont été installés, dans un peu moins de 10 collectivités, et 40 autres devraient l’être cette année dans la région de Tli?cho, selon l’agente des communications du ministère de l’Infrastructure, Agata Gutkowska. L’hôpital d’Inuvik et plusieurs établissements scolaires ont aussi vu leur éclairage être remplacé par des LED pour augmenter l’efficacité énergétique, pour ne nommer que ces mesures.
Le Cadre stratégique a également comme objectif d’adapter le territoire aux changements climatiques. Par exemple, deux nouvelles aires protégées, Thaidene Nëné et Ts’udé Niliné Tuyeta, ont été créées pour soutenir les écosystèmes dans un climat en mutation. Quant à elle, la route toutes saisons des Tli?chos, mise en chantier en septembre 2019, remplacera la route d’hiver. Les infrastructures qui reposent sur la glace ou le pergélisol sont à risque avec les changements climatiques.
En 2024, un tiers indépendant quantifiera les progrès du Plan d’action 2019-2023. Les résultats serviront de fondement pour l’élaboration de celui de 2025 à 2029.